Un apéro et c’est tout le licenciement qui tombe à l’eau !

Le refus du salarié, en l’absence d’abus de sa part, d'assister aux apéros oraganisés par l'employeur participait de sa liberté d’expression et d’opinion. De ce fait, le licenciement est nul puisqu’il est prononcé, « même en partie », en raison de l’exercice par le salarié d’une liberté fondamentale, peu importe que l'insuffisance professionelle soit par ailleurs justifiée.

Un Directeur a été licencié au motif, d’une part, qu’il refusait de s’impliquer dans les valeurs « fun and pro » et la « culture de l’apéro » de l’entreprise et, d’autre part, en raison de ses carences managériales à savoir son impossibilité à développer « l’esprit d’équipe », son manque « d’écoute », un ton parfois « cassant et démotivant » ou, encore, son incapacité à « accepter le point de vue des autres ».

 

En somme, il ne boit pas et, en plus, il est imbuvable (le calembour était facile) !

 

L’employeur licencie le salarié pour insuffisance professionnelle, ça ne coulait pas de source…

 

En effet, s’agissant des carences managériales on peut comprendre le choix de l’insuffisance professionnelle. En revanche, concernant le refus du salarié de prendre part à la politique conviviale de l’entreprise, c’est moins évident d’y voir une insuffisance professionnelle.

 

Et pour cause, la qualification n’est pas aisée car il est également difficile de qualifier d’insubordination le fait de ne pas participer à des initiatives de l’employeur qui débordent (on file la métaphore de l’eau…) sur la vie privée.

 

L’enseignement de le Cour de cassation est, en réalité, que l’employeur aurait dû se dispenser d’évoquer ce point.

 

Pour la Cour d’Appel, la cause réelle et sérieuse de licenciement est constituée par le refus du salarié d’accepter la politique de l’entreprise (s’illustrant par une culture de la « célébration du succès ») et par les carences managériales qui se caractérisent, selon la Cour d’Appel, par « des critiques sur son comportement et ne sont pas des remises en cause de ses opinions personnelles ».

 

Mais pour la Cour d’Appel, si le refus du salarié de participer à la culture « fun and pro » de l’entreprise ne peut lui être reproché dans la lettre de licenciement, pour autant cela ne constitue pas une violation de sa liberté d’expression qui rendrait nul le licenciement.

 

La Cour de cassation ne l’entend pas du tout de la même façon (Cass. Soc. 9 novembre 2022, pourvoi n°21-15208).

 

Ainsi, la Cour suprême relève qu’il ressortait du dossier que le « fun and pro en vigueur dans l'entreprise se traduisait aussi par la nécessaire participation aux séminaires et aux pots de fin de semaine générant fréquemment une alcoolisation excessive de tous les participants, encouragée par les associés qui mettaient à disposition de très grandes quantités d'alcool (…) et par des pratiques prônées par les associés liant promiscuité, brimades et incitation à divers excès et dérapages ».

 

Dans ces conditions, pour la Cour, le refus du salarié, en l’absence d’abus de sa part, participait de sa liberté d’expression et d’opinion. De ce fait, le licenciement est nul puisqu’il est prononcé, « même en partie », en raison de l’exercice par le salarié d’une liberté fondamentale.

 

La solution est claire et prouve à nouveau que la rédaction des lettres de licenciement est un exercice périlleux.

 

Osons dire ici que l’enseignement est qu’il faut faire preuve de « sobriété » (fallait le placer…) dans les griefs opposés au salarié car une seule atteinte à une liberté fondamentale et c’est tout le licenciement qui tombe (à l’eau !).

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